Bonne nouvelle ! Je suis en vacances !

Un texte satirique, proposé par François del Rey, sur « comment nous en sommes arrivés là » et les tours de passe-passe de la communication gouvernementale sur la crise du Covid-19.

Vous allez être jaloux ! A moi les belles balades entre le salon et la cuisine, les bains de soleil derrière la fenêtre et la rédaction de cartes postales (sous forme d’attestation dérogatoire)…

Je vais revenir avec des souvenirs plein la tête !

Bon, d’accord, je suis un privilégié. Je ne fais pas partie de la moitié des français qui trime pour l’autre, dans des conditions stressantes (personnel soignant, caissières, postiers, éboueurs, livreurs, etc.). Ni de ceux qui s’occupent en plus de la scolarité de leurs enfants. Grâce à la connexion internet, crise de nerf en ligne garantie à domicile. Et pas possible de s’échapper pour décompresser.

Mais quand même, en France, en ce moment, les prisons se vident, les embouteillages sont réduits à néant, les oiseaux chantent partout dans les arbres, les abeilles sont de retour, il n’y a pas un avion, le ciel est d’un bleu transparent incroyable, l’air est plein de senteurs printanières et quasi sans pollution, pas un bruit et les rejets de gaz carbonique sont au plus bas.

Il paraît qu’on voit couramment des rorquals en méditerranée et des dauphins près de côtes d’Aquitaine.

Fantastique ! Quasiment le paradis.

Plein de gens en ont rêvé, on leur a dit que c’était impossible, et voilà qu’on l’a obtenu, et d’un seul coup. Et on dit ‘Merci à qui ?’

En plus, le pétrole n’est pas cher et ce serait le moment de faire des virées lointaines, mais 160 000 gendarmes nous font les gros yeux.

On nous a dit qu’on était en guerre, mais heureusement, ce n’est pas vrai, nos missiles, nos chars sont au hangar. Le vin n’est pas rationné et la nourriture est abondante grâce aux vaillants agriculteurs et maraîchers. La lecture est recommandée… La vie est belle.

Une moitié des français peut enfin passer une grande partie de sa journée à flâner devant la télé, (sans remarque acerbe de son conjoint), 5h et demi en moyenne dimanche dernier, paraît-il.

A la télé, en égrenant les enchères entre les pays les plus touchés, on regretterait presque que la France soit encore dépassée, comme aux JO, mais pour d’autres raisons.

Médaille d’or, l’Italie, partie en tête, les échappées leur sont coutumières. Mais talonnée et bientôt dépassée par les Etats-Unis qui trustent les premières places, comme du temps de Lance Armstrong. C’est l’objectif de leur cher président, moi d’abord (America is great again). Médaille de bronze, l’Espagne.

Et nous, rien, comme aux JO, une place de quatrième au pied du podium. Sans médaille, malgré l’émiettement organisé de notre système de santé et tous les efforts inhumains demandés à nos seniors dans les EHPAD. Et attention, Les Anglais risquent de nous faire rétrograder encore plus loin, car ils sont bons sprinters, les bougres !

Comment sommes-nous arrivés à cette situation étonnante ? Nos gouvernants ont bien calculé leur coup.

Pas facile à cause des menaces qui couraient depuis la Chine en janvier et que certains (Corée du Sud, Japon, Taïwan, Singapour…) avaient pris au sérieux, sans pitié pour leur population.

Nos gouvernants ont bien su détourner notre attention, nous réservant la bonne surprise, ils sont très bons pour ça, nous convaincant de l’urgence de trancher sur la retraite des régimes spéciaux, d’occuper la maréchaussée à cadrer les récalcitrants au LBD, de nous vanter le futur paquet de tabac à 10 euros et de nous occuper avec les élections non reportables.

Tandis que dans ces pays asiatiques, on a obligé la population à travailler sans relâche, et sans ce repos si bien venu du finement confit. On les a obligé, les pauvres, à s’approvisionner en millions de tests, à fabriquer des milliards de masques à marche forcée, contraint tout le monde à en porter, tester tous les gens louches, analyser leurs contacts les dernières semaines, les isoler soigneusement. Et tout ça pour quoi ? Quelques morts tout au plus. Une simple grippette quoi! Allez, circulez, il n’y a rien à voir.

Rien de tout ça chez nous, heureusement. Sitôt les congés annoncés, il s’est vendu 5 fois plus de pâtes que d’habitude et 4 fois plus de papier toilette. Depuis, c’est vacances pour tous (enfin, une moitié) en attendant la reprise facile et heureuse après un (si long) repos bien mérité.

Donc, chez nous, tout va très bien…, madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien !

Tentons une petite comparaison avec l’Allemagne (ils ne sont pas en vacances, pas confinés, ils continuent de travailler, les pauvres, mais ils ne comprennent pas à quoi nous jouons) :

Un chiffre : 10869 morts en France le 8 avril contre 2349 en Allemagne (et leur population est bien plus nombreuse 83 millions, contre 67 millions chez nous), environ 5 fois moins de décès. Un autre chiffre : 1 317 887 tests chez eux contre 224 254 chez nous, 6 fois plus. Y aurait-il un rapport ?

Seule ombre au tableau, on ne pouvait pas profiter pleinement de nos congés car on n’en connaissait pas la durée. Mais voilà qu’on le sait maintenant! Notre président, pas Jupiter pour rien, a décidé la fin des vacances pour le 11 mai. Encore un mois, quel bonheur !… Et congés payés, en plus !

Mais il y a un problème. Dans le monde réel, ce n’est pas comme à la télé. Ce n’est pas le président qui décide, c’est le virus ! Ce ne sera donc pas le 11 mai, mais pour quand ?

En tout cas, pour faire face à la catastrophe qui arrive, ce ne sont pas les euros qui manquent. On disait qu’il en manquait pour les retraites et voilà 100 milliards qui apparaissent miraculeusement pour aider les futurs travailleurs sans travail. Le gouvernement les avaient bien cachés. Ah bon, ce serait de la dette supplémentaire ? Zut, et qui va payer ? Et pour aider les entreprises mises en panne, le gouvernement va sortir encore des centaines de milliards ? Super ! Encore de la dette ? Zut, on en a déjà trop, qu’on n’arrive pas à rembourser…

Plus tard, quand tout ceci sera devenu un souvenir (qu’on espère non répétitif), quand la reprise aura eu lieu, en juin ou en septembre prochain, ou encore après, on leur demandera peut être des comptes, à nos gouvernants, sur ces longues vacances forcées, et sur les raisons profondes qui ont fait qu’on a été obligés de les prendre… Amateurisme ? Imprévision ? Incompétences ? Pas de gros mot !

Et sur les dettes abyssales qu’on aura créées pendant qu’on regardait la télé. C’est nos enfants qui vont être contents de rembourser !

Cons finement ? Drôlement bien trouvé comme terme !

Cons cernés ? Oui, on l’est déjà tous, de toute part. Et Cons pressés.

Cons testation ? Non, pas de risque, la télé ne peut pas dire la vérité, il y a trop de monde qui regarde.

Cons spués ? Nos dirigeants ? On aimerait bien, mais non, les gens sont déjà Cons vaincus.

Cons fiscations ? Ah, ça va venir ! Faudra bien que les Cons pétants trouvent l’argent.

François del Rey

PS : Pour info, le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale (publié en 2008 !) dans lequel une « pandémie massive à forte létalité » est identifiée comme l’une des menaces majeures pesant sur le territoire.  Tout y est dit ! https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/084000341.pdf