Par Fanny Lederlin, ex-communicante en reconversion, doctorante en philosophie.
La crise sanitaire qui touche la quasi-totalité de la population humaine est l’occasion inattendue d’un questionnement collectif sur la place et sur les modalités actuelles du travail dans nos sociétés. En effet, parce qu’elle provoque un arrêt de travail planétaire dans certains secteurs de l’économie (les transports, le tourisme, la restauration, etc.), parce qu’elle révèle l’importance vitale de travailleurs jusqu’ici ignorés et parfois même méprisés – des personnels soignants aux agents d’entretien, en passant par les professeurs, les manutentionnaires, les hôtesses de caisse, les personnels d’Ephad, les agents communaux ou les livreurs -, mais aussi parce qu’elle impose brusquement à des millions de travailleurs l’expérimentation du télétravail[1] à haute dose, la crise du Covid-19 met au jour certaines caractéristiques du travail contemporain. Ainsi, l’absurdité de certains de nos modes de déplacement et de consommation, les inégalités entre les travailleurs (inégalités salariales, inégalités de conditions, inégalités face au droit, inégalité en matière de reconnaissance sociale), mais aussi l’aliénation du télétravail (combien ont ressenti, au cours des derniers jours, un sentiment de fatigue ou d’asphyxie devant l’invasion, par les appels et les viso-conférences, de l’intégralité de leur espace domestique ?), tous ces phénomènes nous sont apparus dans leur brutale clarté.
Le travail façonne notre condition humaine
Or, ces phénomènes ne résultent évidemment pas de l’épidémie de Coronavirus. Il se trouve que, depuis une trentaine d’années, de profondes mutations technologiques et managériales (digitalisation, robotisation et généralisation du recours à l’intelligence artificielle) ont révolutionné le capitalisme mondial[2]. Et ce faisant, elles ont renforcé ou fait apparaître des formes de travail – productivisme, travail du clic, travail dit « indépendant », travail à distance, travail à la tâche, sous-traitance d’activités non rentables, etc. -, qui s’avèrent dégrader profondément les fonctions existentielles originellement attachées au travail. Car, telle fut l’une des découvertes de l’époque moderne : le travail façonne notre condition humaine. De quatre manières au moins. Tout d’abord, il médiatise notre rapport à la nature, puisque c’est par le travail que l’espèce humaine « métabolise » les ressources naturelles qu’elle trouve dans son environnement. Ensuite, il compose et organise nos rapports aux autres, puisque c’est en grande partie par le travail que les êtres humains se forment et se conforment à la vie sociale. Il forge également notre rapport au monde, puisqu’il nous permet d’édifier et d’habiter un monde constitué d’artefacts plus stables et durables que nous-mêmes(des routes, des maisons, etc.), où nous pouvons déployer d’autres activités que le simple fait de survivre (faire de la politique, par exemple). Enfin, il rend possible quelque chose comme « l’affirmation de soi », puisque c’est par le travail que les individus parviennent, à travers l’exercice de compétences et de talents personnels, à imprimer une action singulière sur le monde.
Il se trouve que les modalités de travail dont nous faisions quotidiennement l’expérience avant que la pandémie ne nous saisisse au milieu des « open space » où nous nous agitions – ces bureaux où nous enchaînions les réunions, ces champs et ces usines où nous planifiions les prochaines productions, ces cafés ou ces rues où nous proclamions notre « indépendance » tout en obéissant aux ordres d’algorithmes -, il se trouve que ces modalités de travail étaient précisément en train de saper notre rapport à la nature, aux autres, au monde et à nous-mêmes. Elles pervertissaient notre rapport à la nature, parce que notre modèle dominant de production, le productivisme – que l’on peut définir comme « la quête illimitée de la production maximale[3]» – ne nous permettait plus seulement de métaboliser la nature, mais finissait par la détruire en épuisant ses ressources. Elles fragilisaient notre rapport aux autres, parce que l’émergence du « travail du clic[4]» – qui recouvre toutes les formes travail digital, de l’ubérisation au micro-travail, en passant par le nettoyage du web et la publication de posts sur les réseaux sociaux -, et plus largement celle du travail dit « indépendant » (en tant que free-lance ou auto-entrepreneur, par exemple), nous dispersaient en autant de travailleurs atomisés et sans liens. Elles détérioraient notre rapport au monde, parce que notre « économie de la décharge[5]» ne cessait de générer des externalités négatives (rejets toxiques et rebuts en tout genre) qui le recouvraient de déchets – déchets que des sous-traitants[6] avaient pour tâche de nettoyer sans relâche. Enfin, elles appauvrissaient notre rapport à nous-mêmes, parce que les modes de management que nous appliquions ou que nous subissions – et qui, outre les injonctions à la performance et à l’adaptation, s’appuyaient sur une croyance aveugle dans les données chiffrées (des tableaux Excel aux algorithmes), ainsi que sur un langage stéréotypé et fallacieux (mélange d’acronymes, d’anglicismes et de bullshit[7]) -, ces modes de management nous coupaient de notre faculté de juger et de nos responsabilités existentielles (le procès France Télécom qui s’est déroulé entre les mois de mai et juillet 2019 en fut une illustration saisissante[8]).
Outre l’inertie de nos habitudes, les discours des promoteurs de ces modalités de travail propres au XXIe siècle nous empêchaient sans doute, jusqu’à ce que survienne la catastrophe sanitaire qui vient de rompre notre routine, de prendre pleinement conscience des dégradations existentielles qu’elles renferment. Ces discours, ce sont ceux des plateformes numériques (Amazon, Google, Facebook, Uber, Deliveroo, etc.), qui proclamaient l’avènement d’un travail « libéré » où chacun, entrepreneur de lui-même, pourrait travailler et consommer quand il voudrait, où il voudrait et comme il voudrait. Ce sont aussi ceux des entreprises traditionnelles, pour qui la « transformation digitale » donnerait naissance à une « société algorithmique » où l’intelligence artificielle nous aiderait à vivre mieux, et même à « une société de loisirs » où les automates travailleraient à notre place[9]. Ce sont enfin ceux des dirigeants économiques et des gouvernants politiques qui souhaitaient voir disparaître les « rigidités » – matérielles, humaines, et bien sûr juridiques – qui empêchaient les travailleurs de donner la pleine mesure de leur talent (pleine mesure qui ne pouvait s’exprimer qu’en s’adaptant sans entrave à un milieu en constant changement).
Comment bâtir le « monde d’après » si nous continuons à travailler comme avant ?
C’est donc alors que nous sirotions ces paroles sucrées qu’un virus venu de Chine nous a collectivement confrontés à la réalité du travail tel que nous le pratiquons depuis des décennies. Brusquement, les travailleurs qui se croyaient indépendants se sont retrouvés nus comme des vers, sans garantie de revenus et sans protection face à la maladie et à la baisse d’activité. Soudain, les travailleurs du soin – ceux qui veillent à ce que le processus de la vie puisse se dérouler dans les meilleures conditions en soignant, élevant, éduquant, nourrissant ou nettoyant les êtres humains et le monde qu’ils habitent -, sont entrés dans la lumière, et la valeur de leur corvée quotidienne a éclipsé – pour un temps au moins – tout le glamour dont s’étaient auto-gratifiés les « premiers de cordée ». Enfin, l’isolement physique et psychique dont s’accompagne le travail à distance nous est apparu dans sa sèche réalité : s’il est effectivement possible de travailler chacun chez soi, le télétravail ne construit ni la solidarité entre les travailleurs, ni l’espace public où se nouent les liens sociaux, où se forge l’esprit critique et où s’érige un monde commun, comme en témoigne l’effrayante pauvreté de nos vies assignées à domicile.
A la tête des Etats et des institutions internationales, les dirigeants du monde préparent le déconfinement et la relance de l’économie. Derrière les « efforts » auxquels ils préparent l’opinion (et qui pourraient notamment se traduire par des mesures exceptionnelles consistant en la suppression des congés payés ou l’allongement du temps hebdomadaire de travail), le projet est clair : remettre tout le monde au travail, et renouer au plus vite avec la croissance. Le spectre du chômage qui pèse à nouveau sur nos sociétés est tel que nous ne saurions être en désaccord avec la première partie du projet. Mais, pour reprendre l’expression du sociologue Robert Castel, « il y a travail et travail[10]». En outre, pour suivre l’analyse de Bruno Latour[11], relancer le plus rapidement possible la production qui génère la croissance est peut-être la dernière chose à faire, alors que la mutation climatique d’ores et déjà déclenchée par notre activité laborieuse représente indubitablement une menace d’une bien plus grande ampleur que l’épidémie qui nous tétanise actuellement.
Aussi suggérons-nous de profiter des semaines que va durer encore la « brèche[12]» temporelle qui s’est ouverte dans nos vies pour nous interroger sur la manière dont nous voulons à l’avenir travailler, et donc produire. Comment cesser d’épuiser les sols et de recouvrir de déchets le monde que nous fabriquons ? Comment mettre un terme à la « tâcheronisation[13]» qui est à l’œuvre avec le travail digital, et qui condamne des travailleurs sans droits à accomplir des micro-tâches sans autre perspective que de le faire à l’infini ? Comment interrompre l’exploitation de travailleurs invisibilisés et mal payés, chargés de prendre soin du vivant à notre place, tandis que nous nous transformons nous-mêmes en matériau recyclable (ne parle-t-on pas de « ressources » humaines ?), quitte à nous laisser mener jusqu’à l’épuisement (qu’est-ce que le burn-out, si ce n’est la dernière consumation d’une matière hors d’usage ?). Et comment échapper aux logiques du calcul et de l’évaluation chiffrée qui nous enferment collectivement « derrière des grilles[14]» ? En d’autres termes, comment renouer avec les vertus existentielles du travail ? Comment pratiquer un travail qui ne soit pas destructeur, mais qui soit au contraire édificateur d’une société plus juste et plus viable, une société plus écologique ?
Nous passerions à côté de l’événement historique que nous vivons si nous nous détournions de ces questions, toutes aussi cruciales pour l’avenir que l’est l’éradication du Covid-19. Car nous ne saurions limiter notre horizon au simple fait de survivre : au-delà des vies humaines, c’est à la fois notre « milieu ambiant » et notre « monde vécu » qu’il s’agit de sauver[15]. Pour cela, plusieurs pistes peuvent être explorées. La première, que nous tentons d’emprunter par le présent exercice, consiste tout simplement, comme le suggérait Hannah Arendt, à « penser ce que nous faisons[16]» pour pouvoir en répondre. La deuxième piste, qui en dérive, consiste à résister – ce qui peut signifier désobéir, lorsque la situation le nécessite. Cela ne suppose pas forcément d’avoir à se conduire en « héros » – héros que ne sont, au passage, ni les personnels soignants ni les éboueurs, ni les caissières de supermarché, et que nous ne devrions pas avoir à leur demander d’être, tant cette condition grandiloquente est peu conforme à ce qu’ils vivent au quotidien -, mais cela peut passer par de petits actes de résistance ordinaire. Ainsi, chacun de nous pourrait commencer par essayer, lorsqu’il travaille, de cesser de « sur-obéir » – autrement dit d’obéir, certes, mais le plus lentement ou le plus mal possible. Pour cela, la pratique de la flânerie, dont Frederick W. Taylor lui-même avait identifié qu’elle constituait une technique de sabotage soft de la part de ses ouvriers[17], peut s’avérer un excellent moyen, capable par ailleurs de faire surgir du travail une source de jouissance sociale, spirituelle et esthétique délicieusement subversive. La pratique d’une éthique du « bien dire » pourrait aussi s’avérer particulièrement salutaire. Fuir les mots et les phrases pré-formatés, refuser à qui que ce soit le droit de coloniser son langage, oser dire à son interlocuteur (son manager, son client) que ce qu’il dit est incompréhensible, paradoxal ou imprécis, dire « je » et non « on », avoir recours au bon sens, mais aussi à l’humour ou à la poésie… tout cela peut participer à l’avènement d’un travail émancipateur.
De la « tâche » au tâtonnement
Enfin, il existe une voie concrète par laquelle nous pourrions transformer à la fois nos processus de production, nos modes d’organisation, notre façon d’appréhender la matière, et jusqu’à notre manière de considérer le travail et les travailleurs dont nous faisons partie. Il s’agit du bricolage. A l’inverse du « processus[18]» propre au productivisme, le bricolage fait du travail une « action libre[19]» dans la mesure où, s’il se fixe un but visé comme effet prévisible, il laisse toujours ouverte la possibilité, pour les circonstances, de le détourner de ce but. Contrairement au processus qui a un commencement défini (un plan de production) et une fin fixée à l’avance (tel objet, présentant telles caractéristiques, produit dans telle quantité et à tel rythme), et qui prévoit in abstracto les étapes de fabrication comme autant de « tâches » devant être accomplies par des travailleurs disciplinés, le bricolage consiste à prêter attention et à assembler des éléments déjà existants pour faire apparaître des formes nouvelles – et parfois inattendues. Il se présente donc comme un mode de production et d’organisation permettant de sortir du rapport de maîtrise et d’exploitation de la nature et des hommes, pour y substituer un rapport de coexistence et de libre association.
Bricoler, c’est préférer le tâtonnement à la tâche, la coopération (qui permet toujours la discussion et le débat) à l’exécution d’ordres chiffrés (et désormais dictés par des algorithmes), et l’improvisation créative au programme abstrait. Bricoler suppose de tenir compte de la situation, du contexte, et des matériaux dont on dispose : le bricoleur observe l’environnement pour en évaluer les ressources qu’il devra collectionner méticuleusement, réparer parfois, avant de les recycler. Bricoler suppose aussi de tenir compte de l’imperfection d’outils, d’objets et de personnes déjà là, et accepter humblement que des erreurs ou des accidents se logent dans la fabrication – un défaut ou du retard, par exemple -, en privilégiant toujours les relations aux mécanismes et les moyens aux fins.
En fait, le bricolage, dont l’anthropologue Claude Levi-Strauss a découvert la pertinence comme mode de pensée alternatif à la pensée scientifique occidentale[20], et dont le prix Nobel de médecine François Jacob a isolé un concept clé pour comprendre la sélection naturelle (qui, selon lui, « n’a rien à voir avec un travail d’ingénieur mais fonctionne comme le ferait un bricoleur[21]»), le bricolage, donc, est précisément ce qui s’oppose à l’idéologie productiviste qui veut que nous visions l’excellence en nous adaptant sans cesse à un monde qui change au moyen de process optimisés. En décidant de travailler comme des bricoleurs, nous pourrions nous mettre à penser et à agir d’une façon radicalement différente et particulièrement pertinente pour répondre aux défis écologiques qui ne manqueront pas de nous rattraper dès la sortie de notre confinement.
La crise du Covid-19 est un coup de semonce qui doit nous inciter à travailler autrement. Cela s’annonce difficile. Et cela ne résultera vraisemblablement ni des décisions de nos dirigeants politiques et économiques, ni de l’héroïsme de quelques hommes ou femmes providentiels. Mais cela pourrait surgir de l’action courageuse de travailleurs et de travailleuses qui, une fois déconfinés, décideraient de « déserter les rôles que la société avait préparés pour eux[22]» pour reprendre possession de leur travail et de leur existence.
[1] En France, selon l’étude « Les actifs et le télétravail » menée en mars 2020 par l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès, 30% de la population active expérimente le télétravail (et 64% en tout continue à travailler).
[2] A la « troisième révolution industrielle » provoquée dans les années 1950 par l’essor de l’informatique et de la robotique, a succédé, depuis la fin des années 1990, une quatrième révolution industrielle liée à l’émergence d’internet et aux progrès de l’intelligence artificielle. Elle a donné naissance à ce que certains nomment un « capitalisme de plateforme » (SRNICEK, Nick, Capitalisme de plateforme. L’hégémonie de l’économie numérique, trad. P. Blouin, Montréal, Lux Editeur, 2018).
[3] AUDIER, Serge, L’âge productiviste. Hégémonie prométhéenne, brèches et alternatives écologiques, Paris, La découverte, 2019, p. 78. L’auteur revient tout au long de l’ouvrage sur les nuances du concept.
[4] CASILLI, Antonio A., En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Seuil, 2019.
[5] CHAMAYOU, Grégoire, La société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, Paris, La Fabrique, 2018, p. 179
[6] LEDERLIN, Fanny, Les dépossédés de l’open space. Une critique écologique du travail, Paris, Puf, 2020, chapitre 2 « Le sale travail », sous-partie consacrée à la généralisation du recours aux sous-traitant pour prendre en charge les activités non rentables des entreprises, p. 103-108.
[7] Ibid., chapitre 3, « Le travail total », sous-partie consacrée à la langue de l’entreprise, p. 154-170.
[8] Entre 2006 et 2010, le groupe France Télécom a mené une transformation interne à marche forcée, au cours de laquelle dix-neuf salariés se sont donnés la mort. Toute la difficulté du procès a consisté, pour les victimes et leurs familles, à démontrer le lien de causalité entre les méthodes managériales pratiquées durant cette période et les souffrances qui les ont conduits au suicide. Le 20 décembre 2019, en consacrant la notion de « harcèlement moral institutionnel », les juges de l’affaire ont reconnu ce lien. Notons que la question du langage managérial – des métaphores scabreuses à l’usage d’acronymes absconds, en passant par la substitution négligeante du pronom « on » au pronom « je » – a occupé une partie importante du procès.
[9] Une véritable « rhétorique de l’automation » alimente ainsi plus que jamais les fantasmes de la disparition du travail humain. Ces fantasmes ne sont d’ailleurs pas si récents, puisque dès le début du XIXème siècle, l’Anglais Thomas Mortimer s’émouvait de ce que des machines seraient conçues « pour abréger le travail de l’humanité », cf. CASILLI, Antonio A., En attendant les robots, op. cit., p. 36.
[10] CASTEL, Robert, La montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, Paris, Seuil, 2009, p. 118.
[11] LATOUR, Bruno, « Imaginer les geste-barrière contre un retour à la production d’avant-crise », AOC, 30 mars 2020.
[12] ARENDT, Hannah, La crise de la culture, 1958 ; 1972, trad. P. Lévy, Paris, Gallimard, Folio Essai, 2015, introduction.
[13] CASILLI, Antonio A., En attendant les robots, op. cit.
[14] CASSIN, Barbara (sous la dir.), Derrière les grilles. Sortons du tout-évaluation, Paris, Mille et une nuits, 2014.
[15] GORZ, André, « L’écologie politique entre expertocratie et autolimitation », 1992, in GORZ, André, Eloge du suffisant, Paris, Puf, 2019.
[16] ARENDT, Hannah, Condition de l’Homme Moderne, 1958, trad. G. Fradier, Paris, Calmann-Lévy, 1961/ rééd.1983, prologue, p. 38 : « L’irréflexion (témérité insouciante, confusion sans espoir ou répétition complaisante de « vérités » devenues banales et vides) me paraît une des principales caractéristiques de notre temps. Ce que je propose est donc très simple : rien de plus que penser ce que nous faisons ».
[17] TAYLOR, Frederick W., La Direction des ateliers, 1913, trad. L. Descroix, Paris, 1919.
[18] Sur le concept de processus, voir l’analyse de ARENDT, Hannah, La crise de la culture, op. cit., « Le concept d’histoire », p. 78 et suivantes.
[19] Sur le concept d’action libre, voir ARENDT, Hannah, La crise de la culture, op. cit., « Qu’est-ce que la liberté ? », p. 196 et suivantes.
[20] LEVI-STRAUSS, Claude, La pensée sauvage, 1962, Paris, Presses Pocket, 1990, chapitre 1 « la science du concret », p. 11-49
[21] JACOB, François, “Evolution and Tinkering” (« Evolution et bricolage »), Science, vol. 196, no. 4295, 1977, pp. 1161–1166 : « Si l’on veut tenter une comparaison, il faudrait dire que la sélection naturelle n’a rien à voir avec le travail d’un ingénieur. Elle fonctionne comme le ferait un bricoleur – un bricoleur qui ne sait pas exactement ce qu’il est en train de fabriquer, mais qui utilise tout ce qui lui tombe sous la main, des bouts de ficelle, des fragments de bois ou de vieilles cartes postales ; en bref elle utilise tout ce qui est à sa disposition pour fabriquer et produire une sorte d’objet qui puisse fonctionner ».
[22] LE BRUN, Annie, Vagit-prop, lâchez tout et autres textes, Paris, éditions Ramsay/ Jean-Jacques Pauvert, 1990, p. 41