C’est un peu comme si on demandait aujourd’hui aux filles de porter des mini-jupes pour faire renaître l’esprit contestataire de mai 68.
C’est sur le même mode incantatoire qu’ils ne cessent de se référer aux années 68 et suivantes. Ils les regardent comme des années lumineuses, émancipatrices (ce qui est en grande partie exact) en cherchant le ressort, la formule qui pourrait leur permettre de les recommencer. Comme si la force d’une époque tenait à un signe, un levier, un déclic. Alors que le déclenchement est évidemment beaucoup plus complexe et porté par des réalités économiques, sociales, historiques dont l’imbrication, la convergence ne pouvait se faire qu’à un moment donné. En extrayant une petite parcelle de ce contexte (la fondation de telle organisation politique, le succès de manifestations sur telles revendications, la conjonction entre telle institution politique et tel mouvement social) on le vide de son sens. C’est un peu comme si on demandait aujourd’hui aux filles de porter des mini-jupes pour faire renaître l’esprit contestataire de mai 68.
Et il recommence avec la Guadeloupe, en se rendant sur place pour chercher à reproduire en métropole les mêmes mouvements sociaux (100 000 personnes dans les rues en Guadeloupe, cela représenterait environ 15 millions en France…). C’est là aussi faire preuve d’un relativisme culturel et d’un manque d’intelligence politique notables. Comment peut on mettre sur le même plan la crise identitaire, culturelle et raciale de la Guadeloupe avec ce que nous vivons à Paris, Lille ou Montpellier ? La question des salaires et du pouvoir d’achat (là aussi d’une toute autre ampleur, tant dans les écarts que dans la part de la population touchée et la permanence de la situation depuis des décennies) a été le déclencheur d’un malaise beaucoup plus enfoui qui n’a rien de commun avec ce que vivent les métropolitains aujourd’hui. C’est bien là le signe qu’Olivier Besancenot est coincé par la dialectique du « bon programme pour un bon système », plaquée à répétition sur des situations les plus diverses, et qu’il passe à côté de la vie. Nos vies n’ont que faire des programmes clés en main, des slogans, des leaders charismatiques, des pourcentages aux élections et des audiences de prestations télévisées. En essayant ainsi de récupérer des périodes historiques et des mouvements sociaux, en leur collant des slogans et des intentions programmatiques, le NPA les dévitalise. Il réduit et ridiculise leur complexité, leur diversité. Un bon terrain politique, pour ce parti, est un terrain lisse, plat, sans aspérités, sans zones d’ombre. Où l’on peut défiler fièrement et parler haut. Quand ces « révolutionnaires » arrivent quelque part où émerge un mouvement réel, ils en viennent à le virtualiser. Et s’inscrivent ainsi parfaitement dans les codes et les valeurs de l’époque, ceux du formatage, de la centralité et de la transparence. En somme, les codes d’une autorité qui ne nous veut pas que du bien. Un conseil donc à Olivier Besancenot et ses camarades : si vous voulez la révolution, commencez par donner l’exemple, prononcez la dissolution de votre parti et plongez vous dans le bain frémissant de la vie.
Miguel Benasayag et Luc Chatel