Quand il s’agit de commencer un texte autour de l’idée de « bonheur « , en psychiatrie et psychanalyse, la première chose que nous sentons c’est une espèce d’abîme, abîme dû à l’énormité d’un tel sujet qui constitue aujourd’hui un des thèmes, à mon avis, centraux dans toute perspective alternative de la psychiatrie, ainsi que dans tout regard que la psychanalyse pourrait structurer autour de son rôle dans le champ social. Le plus simple sera donc de procéder par • « collage » c’est à dire d’avancer une série de pistes plus ou moins ordonnées, en attendant qu’elle puissent former un petit tout de ce que j’essayerais de dire.
Le « vivre avec » : concept et projet
Si nous pouvons identifier un courant, une tendance dominante dans nos sociétés industrielles, c’est bien celle du devenir réducteur vers un modèle unique. Il apparaît de plus en plus clairement que les sociétés des pays centraux produisent un modèle unique d’homme, de femme, de mode de vie, bref, un modèle de la façon dont on peut, et surtout dont on doit, être heureux. Et par la suite, ce modèle, ces images identificatoires, grâce à cette énorme machine communicationnelle que sont les mass-médias, se verront véhiculés dans le monde entier.
Crise de la société, crise du travail social
Notre société traverse aujourd’hui une crise d’une telle ampleur que, désormais, peu d’individus se risquent à envisager une issue favorable ou espèrent que la situation évolue dans le « bon sens ». Le fait marquant de cette crise est qu’elle touche tous les domaines de la vie, y compris ceux qui, pendant longtemps, sont apparus les plus stables. Nous vivons dans un monde d’incertitude, dont les bases sont craquelées et constamment remises en cause. La seule certitude désormais est qu’il n’y a plus de certitude…
Le Tiers-état et le Tiers-monde
Le pouvoir néolibéral a réussi ce tour de force qui consiste à culpabiliser les chômeurs, les sans-toit et les « exclus » en tous genres au sujet de leur état de misère. C’est la honte qu’on voyait d’abord chez eux, qui sont pourtant la meilleure réussite du néolibéralisme… Dans une société où être pauvre est une honte, à la misère économique s’est ajoutée la misère psychologique due à l’opprobre qui en découlait.