Toute archéologie de la langue n’est pas autre chose que l’étude des différentes figures et articulations de cette faille dans les diverses cultures. Comme le dit A. J. Greimas, « la langue parlée est faite de sons, mais son propos n’est pas de parler des sons ; les sifflements du dauphin ne signifient pas autre chose que les bruits qu’il émet, etc. De plus, tout langage est articulé : projection du discontinu sur le continu, il est fait de différences et d’oppositions 4. » Ce qui sépare le langage animal de la langue n’est donc pas d’ordre qualitatif, il ne s’agit pas là d’une version plus performante que l’autre, mais d’une différence structurelle. En effet, la langue humaine n’existe qu’autour d’un impossible à dire, un « pas tout » qui constitue un véritable hors-champ rendant possible l’existence du dicible.
Ernst Cassirer, dans sa Philosophie des formes symboliques, reprend l’exemple des abeilles et avance l’hypothèse selon laquelle l’abeille exploratrice ramènerait avec elle un échantillon de la fleur en question, ce qui permettrait aux abeilles travailleuses de retrouver l’endroit 5. Cela n’est pas confirmé par les études des biologistes, mais l’intuition de Cassirer n’en est pas moins fondamentale. En effet, dans le signe, il y a toujours quelque chose de la chose. Le signe est une véritable extension de la chose. Comme l’écrit Greimas, pour le langage animal, chaque signe ne signifie pas autre chose que lui-même : on pourrait imaginer qu’une fourmi ou une abeille transporte une information d’un point à un autre comme elle pourrait le faire d’une feuille ou d’un grain de sucre. C’est là une véritable matérialité du signe, que nous nommerons « consistance » logique. Dans un système ultra-déterminé, la programmation de tous les partenaires (abeilles, exploratrices, fleurs, environne-.ment…) fait partie du même ensemble de signes. On pourrait presque parler d’une osmose comportant une régulation automatique (les spécialistes en biologie cellulaire parlent de « communication » à propos des réglages entre cellules).
Certes, pour Ferdinand de Saussure, la langue est un outil, mais il ne l’entend pas au sens d’« outil de communication », c’est-à-dire posé là, à la disposition des sujets humains, afin qu’ils transportent leurs informations. Au contraire, pour Saussure, le rapport entre le mot et la chose est aléatoire et toujours arbitraire. Il définit le signe linguistique à l’aide de ce schéma très connu 6 :
Le terme « concept » est ici utilisé dans le sens d’une « image préverbale » posée sur l’image acoustique (le mot). Sont définis deux registres concomitants : celui du signifiant (mot) et celui du signifié (image). Saussure établit ainsi deux axes : le premier est l’axe synchronique, où les mots – c’est-à-dire les signifiants – existent dans une combinatoire articulée ; le second est l’axe diachronique, sur lequel un signifiant s’articule momentanément, dans l’acte de signification, avec un signifié. Dans la suite de mon travail sur la question de la langue, je privilégierai le gestelacanien de subversion linguistique par lequel, à la priorité que Saussure donna au signifié, Lacan substitua celle du signifiant. Les signifiants se renvoient les uns aux autres, et, comme on le sait, la langue, contrairement à la communication animale, est soumise à la polysémie. La langue perd ainsi non pas tout éventuel caractère d’« échantillon de la chose », mais toute matérialité constituée par la capacité d’une référence biunivoque avec l’objet dont il est question.
La langue n’est donc pas une Aufhebung quelconque de l’outil de communication animal, elle est tout à fait autre chose, ni comparable ni compréhensible à travers le langage animal. Peut-être même n’est-ce qu’à travers la langue, dans sa capacité à référer, à dire autre chose que ce que le signe, dans sa matérialité, dit, que nous pouvons arriver à comprendre les mécanismes du langage animal.
La langue comme objet d’étude
Nous l’avons dit, une archéologie de la langue passe nécessairement par une étude des différentes cultures humaines. Il ne s’agit pas d’une simple historiographie des idéologies, mais d’une histoire (diachronique et synchronique) des rapports et ruptures que les cultures ont connus dans leur traitement du réel.
Comme l’a souligné Foucault 7, l’étude de la langue en tant qu’objet est un phénomène très récent dans l’histoire de l’humanité, aboutissement de tout un processus qui commence par le surgissement de l’homme hors de l’ensemble du monde, devenu par là même son objet. La figure de l’homme, nous l’avons vu, apparaît alors que la pensée opère un tournant qui l’amène d’une préoccupation centrée sur l’Être à une autre portant sur le connaître. Devenu sujet de connaissance, l’homme se sépare ainsi du logos universel et finit par considérer la langue comme un objet, qui peut donc être étudié. C’est pour ces mêmes raisons d’ailleurs qu’à la fin du XIXe siècle la question du référent revient sur scène, puisque c’est alors la fiabilité de « l’outil langue » comme moyen de connaître et de maîtriser le réel qui est remise en question. L’apparition de la linguistique constitue en effet l’un des éléments centraux de la rupture historique qui clôt « l’époque de l’Homme » : c’est à cette époque – nous y reviendrons – que, depuis le champ des mathématiques à l’intérieur duquel le monde semble disparaître, naît la crise de ce système fondé sur l’aptitude référentielle du concept : cette crise se joue dans la cassure de l’idéal de rationalité mathématique et implique, de fait, la remise en cause de toute fonction de référence linguistique, non pas parce que la polysémie du langage problématise le mécanisme de référence, mais parce que derrière les « outils » conceptuels, c’est le monde lui-même qui disparaît, c’est à-dire les choses auxquelles ils étaient jusqu’alors censés renvoyer.
Durant toutes les époques et dans toutes les cosmogonies, les mécanismes de référence, loin de constituer « un problème linguistique » (technique), relevèrent toujours d’une préoccupation centrale concernant le critère de Vérité, c’est-à-dire la relation des énoncés avec le réel du monde. De ce fait, la crise de 1900 que beaucoup d’auteurs, à juste titre, nomment « le tournant linguistique », se caractérise par la mise en cause de la capacité de référence de la langue, et donc de celle visant à connaître et à modifier le monde dans lequel nous vivons.
La référence moderne était fondée sur l’idée de « découverte » de la vérité. Ainsi, les énoncés étaient « vrais » ou « faux » selon qu’ils renvoyaient ou non à un élément constatable dans la situation. Si je dis « Le Cid était un personnage féminin… », nous pouvons dire que cet énoncé est « faux, » de même que son contraire serait « vrai ». La référence était ainsi condamnée à être un système clos dans lequel la vérité était déductible d’une connaissance des éléments de la situation, idée congruente avec celle de progrès, puisque celui-ci constitue une « avancée » du niveau de connaissance : dans ce système, la vérité est envisagée comme un processus quantitatif, elle est un « savoir plus ». Ainsi, pour les penseurs du mouvement néoplatonicien à l’oeuvre aux débuts de la Renaissance et qui permit le passage à la modernité, un monde de vérités existe et le savoir peut l’approcher ; ces vérités « sont » quelque part, immuables en tant que modèles.
C’est ce système de représentation qui est devenu caduc depuis près d’un siècle. Aujourd’hui, si nous voulons, au-delà de la crise que nous vivons, reconstruire un rapport avec ce réel devenu opaque et lointain, si nous voulons imaginer un nouveau régime de légitimation de la décision et de l’engagement (c’est-à-dire une philosophie de la liberté), nous devrons donc, d’abord, étudier les différentes articulations de la langue avec son autre radical, celui qui, dans son indicibilité, la structure, la limite et la rend possible : le réel.
Mais ce dernier doit être pensé en des termes totalement différents de ceux utilisés durant la modernité. Auparavant, rappelons-le, le réel était « ce qui était possible », possible à découvrir, à atteindre, par son dévoilement progressif, il était promis aux hommes dans sa transparence et son innocence totale. A notre époque, en suivant Alain Badiou 8, nous devons énoncer le réel comme ce qui est, par essence, impossible ; il est ce qui limite, ce qui « fait bord » au possible normatif de la situation. Le réel serait l’invisible qui structure tout visible, ou l’impossible à dire qui structure et rend possible l’existence de tout discours.
Le concept de réel compris ainsi nous permettrait d’avancer une conception de la vérité en termes de « fonction » : la vérité ne serait plus un « savoir plus » ; bien au contraire, elle serait ce qui limite, ce qui rend caduc ou insuffisant un savoir constitué. Sous cet angle, toute pensée de la référence est alors envisagée selon un éclairage nouveau. Si nous reprenons l’exemple du Cid, dire qu’il était une femme serait une erreur vis-à-vis de ce que nous savons de la situation ; dire qu’il était un homme ne se situerait pourtant pas du côté de la « vérité » mais de la « véracité », car à l’intérieur du registre des faits, cet énoncé correspond à quelque chose de constatable pris dans la consistance de la situation analysée. La vérité ne serait pas alors ce qui s’oppose au faux, elle serait ce qui, du réel, n’est pas immédiatement assimilable par la norme de la situation.
Pour nos contemporains, la langue redevient le « texte », c’est-à-dire la combinatoire symbolique où ils se trouvent attrapés, mais ce mouvement implique une rupture fondamentale car les fondements mêmes de la raison et, de fait, ceux de la logique mathématique classique, tels que Galilée et Descartes les avaient érigés dans la philosophie, sont remis en question. Nous allons étudier cette rupture à l’intérieur du champ de la logique, mais celle-là, et de loin, ne s’arrête pas là. Par ses effets, la fin des fondements de la rationalité moderne peut être considérée comme universelle, car elle subvertit l’ensemble des pratiques humaines. Sa première conséquence, tout comme la rupture moderne quelques siècles plus tôt, est de mettre en question toutes les valeurs et grilles d’analyse jusque-là dominantes. De ce fait, elle questionne le « au nom de quoi une décision est prise ». Comme Simplicio le dit dans le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde de Galilée, une fois que nous ne savons plus où se trouve le haut, où le bas, où se trouve le bien, où le mal, car nous avons perdu toute efficacité nous renseignant sur le réel, alors seulement nous pouvons comprendre la formule qui dit que « le réel ne répond plus là où nous avions l’habitude de le rencontrer… ». Sens et référence L’échec des projets respectifs de Frege et Hilbert laisse la pensée face à l’évidence de l’inconsistance. Pour Frege, le métalangage devait garantir, par le biais de l’autoréférence, une consistance logique totale. Il abandonnait ainsi la question de la dénotation et du sens, les livrant à la subjectivité la plus absolue. C’est donc à partir de Frege que la question de la polysémie devint à l’ordre du jour, rompant avec le paradigme de la modernité qui voyait un sens de l’histoire ordonnateur du monde et de l’ensemble du réel.
Malgré l’échec du projet d’autoréférence, cette remise en question du sens reste d’actualité dans la philosophie et la linguistique de notre siècle. Tout se passe en effet comme si l’aporie sur laquelle le programme de Frege s’était fracassé était seconde par rapport à ce qui, pour lui, n’était qu’un simple corollaire : une méfiance sur la question du sens, devenue depuis l’axe central de la sophistique post-moderne. L’aporie que représente l’existence des paradoxes correspond aux principes de la logique du signifiant qui énonce, tout simplement, que « rien n’est tout » ou, dit autrement, « il y a toujours un en plus, cet un en plus est un opérateur de totalisation, c’est un totalisateur qui s’excepte de l’ensemble qu’il totalise ».
Les paradoxes représentent ainsi ce point d’inconsistance d’un système où nous pouvons écrire indistinctement Ώ = Ώ et Ώ ≠ Ώ, sans que la décision, le pari, pour l’un des deux énoncés, ne soit déductible des éléments du système. Ce principe, loin de relever d’un illogisme quelconque, nous introduit dans la logique de l’inconsistance. Comme on peut le voir avec Gödel, cela était et reste la piste la plus sérieuse pour penser, à partir de cet indécidable ou point d’inconsistance, la question du sens. Dans le projet de Frege, une fois la question de toute référence à un monde extérieur au langage « résolue » par le biais de l’auto-référence, il ne restait qu’un système fermé où il n’était plus question d’une vérité qui renvoie à un existant extérieur, puisque celle-ci avait été remplacée par le principe de véracité. Ainsi, l’extension du concept devait être numérique et passer par des nombres cardinaux, loin de toute idée d’ordre, de hiérarchie ou de sens. Pour le dire autrement, Frege exclut du champ de sa logique la question portant sur « ce qu’un mot signifie pour quelqu’un ».
Pour Frege et Hilbert, si l’on voulait conserver un système logique, il fallait en exclure l’intuition et la contradiction, éléments déconstructeurs par excellence. Les défenseurs de la dialectique hégélienne, et notamment Edmund Husserl, s’opposèrent farouchement à ce projet car, pour eux, ces deux concepts, loin d’être déconstructeurs, étaient au fondement même de toute logique dialectique. Frege et Husserl entretinrent sur ce point une correspondance très intéressante, et le premier continua, de son côté, la discussion dans la Philosophie de l’arithmétique ainsi que dans ses Recherches logiques. Husserl ne niait pas l’existence d’une crise profonde, mais, à la différence de Frege, il ne posait pas, au centre de sa solution, un logicisme autoréférentiel détaché du monde, car pour lui c’était l’intuition qui se trouvait au bord et au-delà de la rupture.
D’un point de vue épistémologique, le concept d’intuition apparaît d’emblée lié à celui d’intentionnalité. L’intentionnalité, explique Husserl, renvoie à une « intention de signification 9 », elle peut être articulée, vide ou pleine. Selon lui, il existe dans l’intuition une actualisation de la chose nommée. « Toute expression, non seulement énonce quelque chose, mais énonce encore sur quelque chose 10. » Husserl poursuit son raisonnement en énonçant le point de vue dialectique sur la question du référent ; il affirme au sujet de l’expression : « Elle n’a pas seulement sa signification, mais elle se rapporte aussi à des objets quels qu’ils soient, mais jamais l’objet ne coïncide avec la signification 11. » En effet, le mot, dans la dialectique, est le « meurtre de la chose », non qu’il fasse disparaître la chose du système référentiel, mais par aufhebung (point de vue radicalement différent du néokantisme contemporain qui, en abandonnant la « chose en soi », prend un parti pris nihiliste). La dialectique hégélienne conservait donc des liens fondamentaux entre la langue et le monde. L’intentionnalité de la phénoménologie gardait les vestiges du « terme mental » propre à la philosophie de la langue moyenâgeuse, également appelée « intention » par les scolastiques.
Cette intentionnalité cognitive a deux degrés : la première instance désigne le contenu mental de celui qui utilise le vocable, et la seconde désigne la réalité extra-mentale que l’on veut manifester. Ainsi, le signe linguistique désignait la réalité extra-mentale à travers la signification mentale. Pour Husserl, comme pour les penseurs du Moyen Age, le langage extérieur est conventionnel, tandis que le langage mental (aufhebung) est un langage « naturel » ; mais il ne conclut pas, comme saint Augustin, à l’existence d’un maître intérieur. Bien qu’il y ait plusieurs façons de nommer le même objet, il n’y a pas de véritables problèmes de référence : « ça réfère ». Le monde, à travers l’intuition, reste subsumé dans la signification. Ce fut ainsi qu’il trouva une continuité entre signification et sens, car l’acte de donation de sens fait partie de ce devenir dialectique en tant aufhebung finale du processus. Mais alors le problème reste entier, car si l’on identifie la signification au sens, on conserve ce qui était au centre de la crise, à savoir l’idée que le sens est la figure d’un devenir dialectique fondé sur un réel déjà là et à dévoiler.
L’intuition suppose, bien entendu, un réel consistant que nous rencontrons grâce à l’acte d’intuition, et c’est là que l’échec du système autoréférentiel de Frege rejoint celui de la logique dialectique ; car le problème ne porte pas seulement sur la polysémie des mots, mais aussi sur le statut ontologique du réel, qui se dérobe hors des catégories positivistes ou dialectiques. Quant à la question de la décision, elle n’a pu être résolue ni par la logique saturée de Frege, ni par la logique dialectique de Husserl. Ce n’est qu’à travers la construction des logiques inconsistantes que peut être dépassée ce qui fut l’aporie insurmontable de ces deux systèmes.
Certes, Husserl reconnut la crise de la pensée de la modernité et, tout comme Frege, il tenta de lui donner une réponse. Le concept étant toujours concept de « quelque chose », Husserl paria sur le dépassement de la crise de la rationalité grâce à la dialectique elle-même et à l’intuition, mais lui aussi buta sur l’existence d’énoncés indécidables dans un modèle. Il affirmait qu’une continuité existe entre signification et sens, identification dont Frege démontra qu’elle était abusive. Mais la différence établie par ce dernier entre signification et sens, bien qu’elle soit justifiée, n’est pas suffisante pour résoudre une telle aporie. Pour Husserl, les paradoxes de la signification représentent le même problème, car © étant un énoncé qui ne peut pas s’énoncer de lui-même, la route à toute « bonne réponse » est d’emblée barrée, fût-ce sous la forme d’une aufhebung. Le problème posé par les paradoxes interdit donc d’adopter la dialectique comme « solution finale » (en effet, la seule figure de la dialectique qui reste pensable après cette crise est celle d’une dialectique sans synthèse, sans aufhebung, ce qu’Alain Badiou repèrera dès 1966, en qualifiant la contradiction de « noyau rationnel de la dialectique hégélienne 12 »). La dialectique husserlienne ne peut pas répondre, car elle est centrée sur – et identifiée à la totalisation finale pour laquelle la contradiction n’est pas autre chose qu’un moment nécessaire. Il est vrai que, pour les mathématiciens, l’incomplétude n’a pas eu de conséquences profondes. Tout se passe dans leur monde comme s’ils obéissaient au mot d’ordre de Wittgenstein qui conseillait d’éviter de parler (nous taire là où nous ne pouvons pas parler), ce qui tout bêtement signifiait : « contourner l’indécidable ». Les mathématiciens et la communauté scientifique tentèrent d’ignorer les problèmes de fondements, ils ne firent que constater l’existence d’indécidables, en arguant qu’ils ne se trouvent pas dans les mathématiques de tous les jours. Cette remarque est d’ailleurs pertinente, car les énoncés indécidables sont, en général, choisis en vue de l’indécidabilité. Cela dit, quand l’indécidabilité redescend sur terre et devient plus quotidienne, les ingénieurs font comme Benveniste, qui construit un système ad hoc dans son ouvrage Algorithmes adaptatifs et approximations stochastiques, où il essaye de faire « comme si » le problème d’un réel devenu stochastique (c’est-à-dire dans lequel au moins une des variables est soumise à l’aléatoire) ne changeait pas la nature du réel en question. Jusqu’en 1900, le hasard était considéré comme cette partie d’opacité qui devait confirmer la règle du réel en tant qu’un « être là » à dévoiler. La crise de 1900 est une crise des fondements non parce qu’elle met en lumière l’incapacité de certaines méthodes à connaître et interroger le monde, mais, avant tout, parce que celui-ci, bien que pensable et modélisable dans un ensemble consistant, comporte toujours un élément erratique et indécidable (auquel Badiou donne le caractère de « point d’être de toute situation » en l’identifiant avec l’ensemble vide). Dorénavant, le réel ne paraît pensable qu’à partir de « l’impossible », ou, pour le dire autrement, en identifiant le réel à l’impossible. Nous pouvons conclure que « si tout est possible, il n’y a pas de réel ». 1 – Benasayag M. Psychanalyste, Paris. 2 – Penser la liberté, La Découverte. 3 – Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Gallimard, Paris, 1974, tome 4 – Algirdas J. Greimas, Du sens, Seuil, Paris, 1970. 5 – Ernst Cassirer, La Philosophie des formes symboliques, Minuit, Paris, 1972. 6 – Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Payot, Paris, 1984, p. 99. 7 – Michel Foucault, op. cit. 8 – Alain Badiou, L’être et l’événement, op. cit. 9 – Edmund Husserl, Recherches logiques, PUF, Paris, 1974. 10 – Ibid. 11 – Ibid. 12 – Alain Badiou, Le Noyau rationnel de la dialectique hégélienne, Maspero, Paris, 1966.
Miguel BENASAYAG