Le terrorisme est toujours réactionnaire

• Le terrorisme est toujours réactionnaire parce qu’il utilise des vies humaines comme monnaie d’échange au nom de la pire des positions que puisse revendiquer n’importe quel mouvement de lutte ou de résistance: « la fin justifie les moyens ». Au contraire, il n’y a, selon nous, aucune séparation idéaliste et métaphysique entre ces deux dimensions : la fin est toujours dans chaque moyen, et aucune barbarie dans le présent n’est justifiée au nom d’un résultat futur ou d’un « bien supérieur ». La vie se passe aujourd’hui. Toute résistance se condamne et trahit ses idéaux si elle tombe dans la déviance terroriste.

• Nous sommes écœurés d’entendre certains désigner la politique d’extrême droite du gouvernement de Benyamin Netanyahou pour justifier l’attaque terroriste dont a été victime la population d’Israël. Qui aurait osé évoquer la politique du gouvernement français pour justifier les attentats du Bataclan ? Qui aurait supporté que, pour légitimer la barbarie des événements parisiens, on fasse référence au colonialisme français ? Comprendre l’histoire de l’oppression et du colonialisme, la condamner et se battre contre les formes de colonialisme actuel n’implique jamais de justifier de tels actes. Ceux qui invoquent l’extrême droite du gouvernement israélien doivent être clairs : pensent-ils que l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen en France ou l’élection de Giorgia Meloni en Italie autoriseraient les minorités écrasées à tuer des civils dans la rue ?

• Si ce n’est pas le gouvernement d’extrême droite, c’est, pour certains, l’illégitimité même de l’État israélien qui fournit la justification du massacre auquel nous avons assisté. Mais quels sont les États dans le monde qui ne se sont pas construits sur des injustices, sur l’écrasement de peuples entiers et sur le colonialisme ? Nous, comme Collectif Malgré Tout, particulièrement implanté en Amérique Latine, comprenons cela mieux que beaucoup d’autres. Quelle nation est née de la justice, de l’équité, de l’amour ? Or, jamais aucune organisation des pueblos originarios aurait l’idée de placer des bombes dans des discothèques, de bloquer les sorties de secours d’une rave party pour se lancer dans une traque sanglante, tuant un par un plus de 260 jeunes  (certains, en les torturant, comme le montrent les signes retrouvés sur les corps), de brûler les maisons avec des familles entières à l’intérieur (comme ça s’est passé dans les kibboutzim attaqués), de mitrailler des civils dans les rues, pour « combattre la colonisation ». Les pueblos originarios ont depuis longtemps compris qu’il n’existe pas de « bonne barbarie », contrairement à certains militants de la gauche française qui, dans les années 1970, ont préféré Pol Pot à Nixon.

• Enfin, nous qui ne sommes pas des blancs-becs de bibliothèque, qui comptons parmi nous d’anciens combattants ayant pris les armes contre la dictature, jamais nous n’aurions pensé que pour s’opposer à la dictature militaire, soit-elle argentine ou chilienne, il aurait fallu exterminer des civils. Voici alors qu’entendre parler d’actes glorieux de « résistance », lire les communiqués qui circulent dans certaines universités parisiennes incitant à la lutte armée « par tous les moyens », donc aussi terroristes, provoque un effet tragique et comique à la fois. Il n’y a pas de résistance dans le terrorisme barbare.

• L’idéologie repose sur ce mécanisme pervers dans lequel les réponses précèdent les questions. Aujourd’hui, on se trouve comme devant une déferlante idéologique dans laquelle certaines personnes refusent de voir les faits concrètement et préfèrent se réfugier derrière leur dogme. Les corps des victimes gisaient encore dans les rues qu’ils avaient déjà les réponses qui leur permettaient de conserver leur division du monde entre « méchants » et « gentils ». A l’époque de la complexité, ceci est un vrai problème.

Miguel Benasayag, Bastien Cany, Teodoro Cohen, Angélique Del Rey (Collectif Malgré Tout)